Musique spatialisée
Généralités
Un langage pour la mise en espace sonore :
Spatialisation et multidiffusion
Une typologie
Interne / externe
Dans la revue L' espace du Son I (ed. musique et Recherche 1988) Michel Chion distingue ESPACE INTERNE et ESPACE EXTERNE
" Pour une œuvre de musique concrète, il existe par définition deux niveaux d' espace– l' espace interne à oeuvre elle-même, fixé sur le support d' enregistrement (...) et d' autre part l' espace externe, lié aux conditions d' écoute, à chaque fois particulières de oeuvre : acoustique du lieu d' écoute, studio ou salle ; nombre, nature et disposition des hauts parleurs ; utilisation ou non de filtres, de correcteurs en cours de diffusion ; intervention à la régie du son d' un interprète ou d' un système automatique de diffusion, etc... "
Dans le même article il appelle de ses voeux à une standardisation des conditions de diffusion. Les standards existent aujourd'hui (5.1, 6.1, 7.1, DTS THX…) mais restent essentiellement utilisés pour le cinéma et le home cinéma.
Positionnement / environnement
Jean Marc Jot dans sa présentation au séminaire Ircam du 19 Mai distinguait deux types de traitements indépendants des sources sonores : celui du positionnement des sources et celui de l'environnement sonore. Ce sont deux modalités expressives fondamentales : le sujet sur le fond, l'objet dans son espace. Mais encore le fait de séparer ces 2 composantes permet d'envisager non seulement de placer des objets dans d'autres espaces que l'espace d'origine, mais également de jouer indépendamment des évolutions des formes et de leurs contextes d'existence.
François Nicolas dans son Compte rendu du groupe Spatialisation - Ircam, 16 novembre 2004
distingue une Spatialité abstraite (ceinture de transducteurs effaçant les cloisons) Spat — Wfs d'une Localisation concrète (des instruments dans une salle) Timée.
Sources ponctuelles / diffuses
La distinction entre les sources sonores ponctuelles et le rendu d'une salle est fondée sur la métaphore de l'instrument placé dans une salle ayant des particularités résonnantes. Dans la réalité, on a davantage affaire à des actions sonores rayonnant à travers divers objets peu réfléchis par le lieu dans lequel ils sont placés. Autrement dit, plus la salle résonne, moins les objets concernés par l'action ont de corps résonnant propre. Les objets sont à la fois diffuseurs et trans-sonores.
Représentation/situation
Dans les boîtes musique du Musée du Quai Branly, nous avons la Boite B30 au fond de laquelle un grand écran frontal entouré de 6 voix de diffusion sonore où la musique est représentée comme une fenêtre de plein pieds sur le monde de l'autre et la Boite B05 où les programmes sont intitulés "espaces musicaux", que je qualifierai pour ma part de musique située, avec une situation immerssive : 3 écrans et 6 points de diffusion (son et image) tout autour du visiteur. Dans le domaine de la spatialisation comme de la scénographie, ces deux approches se distinguent : une approche wagnérienne (représentation) dans laquelle l'espace du sujet (la salle de spectacle…) est effacée au profit du spectacle dans une représentation généralement frontale, effaçant le vécu du spectateur comme la présence physique des acteurs et une approche immerssive(situation) où l'espace de la représentation est le substrat partagé par les acteurs comme les spectateurs. En terme d'espace électroacoustique, la réverbération, la notion même d'espace interne qui considère le haut parleur comme un écran sonore, plaçant le champs acoustique en dehors de l'espace vécu expriment la vision acousmatique de l'espace qu'on retrouve au cinéma : ce qu'on entend se passe ailleurs .A l'inverse une théâtrophonie de situation consiste à faire jouer le son par des acteurs/haut-parleurs présent dans le même espace que le spectateur. Bien entendu, ces deux approches sont le plus souvent imbriquées, mais il est important de les distinguer.
Claude Bailblé dit qu'au cinéma on utilise les enceintes surround pour 3 effets sonores : les hors champs (généralement avant une entrée dans le champs), les ambiances immersive ou effets de salle (vents, résonnance d'église…) et les mouvement d'objet ou du sujet dans l'axe (type vaisseaux spatiaux dans Star Wars avec un effet doppler malgré le vide)
Sources réelles / sources virtuelles => distribution point à point / spatialisation multipoints
Dans Octophonie (Studio DeltaP La Rochelle 1994) Pierre Boeswillwald formalise la notion d'octuor de Haut parleurs :
" Dans la pratique courante de la diffusion électroacoustique on chercher surtout à générer une image sonore … dans laquelle l'auditeur est transporté/projeté. Dans ce cas, l'acoustique du lieu de la diffusion devient un espace d'accueil et l'image sonore viendra se substituer à lui.
Inversement "
" ...la règle 'un son par voix' conduit à singulariser les haut-parleurs…(et produire) un rapport remarquable entre l'espace suggéré de la source et l'espace réel du lieu de l'audition. "
"Une image sonore formée par la sommation acoustique de signaux monophoniques sans réverbération ajoutée, diffusées simultanément sur le site de l'audition, engendre…des impressions d'écoute que ni la stéréo ni d'autres dispositifs ne peuvent rendre aussi clairement. je veux parler d'une certaine adéquation entre le temps/lieu de l'audition et le temps/lieu des sons diffusés. "
Sources en mouvement/ action en mouvement
Dans le domaine du mouvement, il faut distinguer une source sonore en mouvement avec le mouvement qui déclenche un ensemble de sources sonores.
Par exemple une mobylette qui passe, une mouche qui vole, un personnage qui tombe en criant sont des sources sonores en mouvement, qu'elles soit ponctuelles et en champs libre ou dans un espace résonnant avec un effet de salle. A l'inverse dans les cas suivants : frotter de la main sur une surface granuleuse, marcher sur des graviers, le vent qui souffle dans le feuillage, les sources ne se déplacent pas, c'est l'action qui se déplace. Dans chacun de ces trois exemples les actions sont multiples et sont régies par des comportements propres à la fois spatiaux et temporels. Ce sont ces actions qui déterminent le comportement spatial des sons.
Rendu réaliste /rendu expressif
Obtenir une représentation exacte est inutile en art car notre description du monde n'est pas réaliste. Nous nous faisons une certaine représentation mentale du déploiement spatial d'un phénomène sonore qui n'a as forcément de réalité objective. Par exemple l'idée de particules sonores en mouvement dans l'espace est une idée visuelle à laquelle nous essayons de donner une réalité sonore. En effet, une particule de son serait un son très simple voir élémentaire d'une durée extrêmement courte, il serait donc impossible d'en entendre le déplacement. Pour donner à entendre un jet de particules dans l'espace, il faut donc choisir une méthaphore ou une stylisation, par exemple un ensemble de sons formés avec une traine résonnante ou simuler le sifflement avec son doppler à proximité des oreilles de l'auditeur. Autre exemple, le rendu d'une étendue désertique implique paradoxalement de simuler le silence par du son, l'impression d'étendue peut être rendue par le rapport disperssion/étalement du "fond d'air".
Objets animées et comportementaux
L'habitude d'associer
l'espace au visuel nous fait souvent imaginer les sons spatialisés
comme des objets continus, homogènes et sans forme " un son
est ici ou là ". En fait le plus souvent les sources ne sont
pas situées hors temps mais en fonction d'actions ou de comportements
temporels. On à beaucoup fait jouer les sons de synthèse dans
l'espace en associant un paramètre de la synthèse au comportement
dans l'espace. C'est une forme très intéressante de jeu sonore
spatial. Les comportements dans l'espace des objets courants sont parfois
beaucoup plus complexe qu'il n'y parait et les outils permettant de produire
ces formes sont quasiment inexistants. Il n'existe pas d'éditeur de
spatialisation générique ; quelques outils souvent inutilisables
et très partiels comme MIDISPACE-MUSICSPACE_OPENSPACE d'Olivier Delerue,
les acousmodules de Jean-Marc Duchenne
IMEASY-X, des panoramiques surround avec des bpf, des plug-ins qui ne fonctionnent
que dans les environnements chers etc. Quant aux contrôleurs temps réel ;
Il s'agit de se débrouiller avec des curseurs des joysticks ou au mieux
avec une tablette graphique.
Mise en œuvre des objets sonores spatiaux
Il est insuffisant et vain de se contenter de faire une simple typologie des objets sonores spatiaux. La calssification sert surtout à donner des noms et à cerner les paramètres effectifs. Une symbolique a priori de ces forme est également insuffisante pour fonder une esthétique. Le but n'est pas de recenser les possibles ou de les qualifier, mais s'inspirer de cette abstraction pour concevoir et articuler des formes expressives.
Quels outils pour l'écriture de l'espace ?
Le premier outil est la métaphore, la création de formes sonores dans lesquelles l'espace sonore fait l'œuvre, c’est-à-dire que l'œuvre n'est plus sans son travail spatial, un peu comme le théâtre perd sa théâtralité à la télé. Le deuxième est l'analyse des formes sonores spatiales dans la nature et dans les œuvres. Enfin les outils d'expérimentation et de travail logiciels pour les compositeurs et les créateurs sonores. Le plus efficace aujourd’hui serait de créer un langage de script permettant de décrire des comportements temporels des sons. Il faudra également des outils graphiques mais ils posent de gros problèmes : l'écriture de la spatialisation musicale doit gérer à la fois du temps et de l'espace, mais les outils d'édition graphiques ne peuvent faire que l'un ou l'autre avec des modalités très peu homogènes d'un outil à l'autre qui ne permettent pas de mapper librement les dimensions contrôlées. Par exemple il est quasiment impossible de passer d'une représentation dans le temps à une représentation dans l'espace avec un même outil. Dans Max/MSP aucun des outils graphique n'est compatible et on ne peut pas passer d'une représentation 1d à une représentation 2,3 ou 4d sans devoir tout reprogrammer de plus ces objets temps réel ne sont pas équipés de fonctions d'écriture.
Liens
http://perso.wanadoo.fr/roland.cahen/Textes/S_Nav_3D_26.htm
http://www.entretemps.asso.fr/Nicolas/Ircam/Synthese.htm